tinéraires féminins de la déviance. Provence 1750-1850
par Karine LAMBERT, Presses de l'Université de Provence, 2012.
Afin de dépasser la dichotomie traditionnelle entre la femme, éternelle mineure, soumise au pouvoir arbitraire et tyrannique de l’homme et la femme
rebelle, nous avons isolé plusieurs parcours féminins au sein des archives judiciaires provençales de 1750 à 1850. Au-delà des actes criminels, et des attitudes déviantes, leurs paroles révèlent
leur capacité de résistance, certes parfois ténue, à une gestion normative de leur corps et de leurs identités. De la rue à l’espace domestique, ces femmes tentent d’imprimer leurs désirs, leurs
volontés dans leurs rapports aux hommes, aux autres. Les stratégies mises en lumière lors de la procédure judiciaire établissent des brèches dans un rituel social normatif. Ces femmes de peu se
jouent des représentations de genre pour s’affirmer sous les regards de leur parenté, de leur communauté d’appartenance et face aux jugements des autorités judiciaires. Leurs discours montrent
comment elles rusent avec les assignations et les rôles sociaux de sexe. Elles s’expriment dans la violence et le sang, mais également par le Verbe, indice de leur souffrance et de leur refus du
mode habituel du « vivre-ensemble ». Jugées contestataires, elles ne défendent parfois que leur intégrité physique des attentats de la misère, du mépris, de la brutalité. Mais pour tous, leur
culpabilité reste intrinsèquement liée à leur sexe. Derrière le caractère exceptionnel de leurs crimes se livrent par bribes le quotidien des rapports entre les sexes ainsi qu’une sociabilité
pétrie de tensions et de tentatives d’apaisement, de sentiments amoureux et de déchirures affectives.