Une heure d'islamophobie tranquille sur France Inter
Par Laurent Mucchielli & Véronique Le Goaziou
Ce dimanche 10 février 2013, nous venons d'entendre une heure d'islamophobie décomplexée sur France Inter. Il s'agit de l'émission "Cause commune, tu m'intéresses" animée par
Abdennour Bidar. Son invitée était Michèle Tribalat. Dans un duo entre deux spécialistes auto-proclamés de l'Islam, cette émission à sens unique avait pour titre "Tout ce que nos élites ne veulent pas voir ou dire au sujet de
l'islam". Le propos était la dénonciation de "la responsabilité de nos élites politiques, qui choisissent trop souvent la politique de l’autruche vis-à-vis de l’islam, c’est-à-dire qui
préfèrent tenir des discours rassurants et très généraux auxquels, sans doute, ils ne croient pas eux-mêmes. (...) A savoir, que bien sûr la plupart des musulmans sont paisibles, tolérants, qu’il
n’y a pas de problème de fond entre l’islam et la société française parce que l’intégrisme comme le terrorisme ne sont le fait que d’une petite minorité". Voici l'idée centrale :
"on fait comme si le seul problème avec l’islam était celui posé par une petite minorité, alors que tous les jours en France les gens sont confrontés à un islam ordinaire qui certes n’est pas
terroriste, mais qui est vécu de façon dogmatique et communautaire. Un islam qui est vécu et revendiqué par ses pratiquants comme vérité absolue, vérité supérieure, et qui s’affiche de façon
parfois agressive et provocatrice… Un seul exemple : il y a certes un nombre infime de burqas, c’est-à-dire de femmes intégralement voilées, mais en revanche on voit tous les jours dans nos
rues que le nombre de foulards a considérablement augmenté… Et je suis désolé de le dire – mais si moi qui suis un spécialiste de l’islam je ne le dis pas qui le fera ? – ce voile est une
régression pour les femmes, un retour en arrière pour la condition féminine". L'auteur entendait dénoncer ainsi "l’affirmation actuelle d’un islam régressif qui se nourrit de fantasmes sur
lui-même, et qui gagne de plus en plus de musulmans en les enfermant dans des contradictions sans fin et dans l’esclavage de lois religieuses d’un autre âge".
Face à l'animateur, Michèle Tribalat, démographe à l'INED, pourfendeuse bien connue de l'Islam, paraissait presque modérée. Pendant une heure, nous
avons assisté à une série de poncifs et de diatribes sur le mode de l'indignation et de la dénonciation, à partir de quelques faits divers érigés en généralité et agités comme des peurs destinées
à alarmer nos concitoyens. Le tout sans jamais la moindre distance ou le moindre doute, et bien entendu sans enquête, sans étude empirique, sans données, on serait presque tenté de dire sans
réel.
Que de tels propos puissent s'exprimer est normal et même souhaitable en démocratie. Mais qu'ils soient ainsi diffusés sans la moindre contradiction
sur la radio symbole du service public est plus que choquant. C'est proprement scandaleux.